Tuesday, February 23, 2010

Le KAOLA

12/02/10 au 16/02/10


2 camps distants de 10 km

Mae La Oon, 14 852 residents

Mae Rama Luang, 14 520 residents.

Depuis la petite ville de Mae Saring ou resident les locaux de TBBC (Thai Burmise Borders Committe, gestion de l'ensemble

des camps pour la province de Mae Hong Song) David un Australien qui bosse la me dit : au camp de Mae La Oon ils ont eu

3 clowns en decembre, ils ont l'habitude du spectacle, ca te facilitera les choses.

Enfin, façon de parler...
Pour se rendre sur place 4h d'infame piste en 4/4. Pas de sublime foret comme hier a Ban Mae Surin, juste 4h de chocs et de poussiere.

Surtout l'ultime heure entre les 2 camps, un tape-cul d'enfer.

A peine arrive a Mae La Oon reception au comite de gestion du camp.

Tous m'expriment leur joie de ma presence et, a propos, si je pouvais faire un petit spectacle pour le comite ?

Mais voyons donc. J'ai encore les os rompus souvenirs de la piste et je suis en piste. Et adopte.

Quelques heures plus tard, 1er show public. Je me prepare dans la petite hutte de bambous et de poussiere qui m'est devolue....

Je ne saurais dire pourquoi, je ressents comme une presence, j'entends de furtives respirations...Je scrute, personne...

Et pourtant...O stupeur! Par chaque fissure des cloisons de bambous des dizaines d'yeux me scrutent, m'epient, me decortiquent.

Les gamins du camps ont eu vent de ma presence. Je suis l'etranger, le magicien, le kaola (grand blanc, pas confondre avec koala).


Kenet, mon garde du corps, charmant jeune homme parlant 3 mots d'anglais vient me chercher en mob.

Nous nous rendons au terrain de foot-champ-de-poussiere ou aura lieu le premier match-spectacle.

Il est 16h. Une marre humaine deferle. Kennet et moi sommes submerges. Je lui hurle : tiens bon, fais les reculer,

fais les s'assoir, fais quelque chose....

Il m'adresse de grands gestes tel un qui se noie et disparait dans les remouds de la foule. Me voila seul.

"(...)s'il n'en demeure qu'un je serai celui-la" V Hugo. Et bien ca y est. L'oracle se realise. Je suis l'elu. Une heure contre vents

et marrees a ruisseler au milieu de 2000 petits Karens. Bousculades et confusion. A ce point, cela a-t-il encore un sens ?

Puis, sonne, retour a ma hutte ou je n'ai pas le temps de me changer, de me doucher, des dizaines de types deferlent, des

jeunes, des vieux, la plupart masticateurs de betel. Ils me serrent les mains, me remercient et entreprennent de m'apprendre le karen

vu qu'aucun ne parle anglais.

Au cours de ce defile qui durera 3h ressurgit Kennet. Il a l'air un peu defait, un peu hebete. On jurerait qu'un troupeau d'elephants lui est passe dessus. Il me semble qu'on se ressemble en ce moment. Il est mon miroir karen.

Laconique il me dit : everybody's happy.



12/02/10. Nuit. Sur ma natte-lit je lis les rapports de TBBC etablis depuis 1984 date des 1eres vagues de refugiers. Impressionnant.

La situation ne cesse de se durcir des 2 cotes de la frontiere. Les exactions face aux minorites ethniques sont quotidiennes cote

birman et la Thailande n'accepte plus de refugiers depuis 2005. Or ils continuent d'affluer.

Les plus miserables sont ceux auquels nous n'avons pas acces, a l'ouest de la Birmanie, qui fuient au Bangladesh d'ou ils sont

durement refoules et meurent d'epuisement de maladie de faim...

Je m'endore sur tant de drames et des 4h30 du matin les coqs en rajoutent un : ils tuent mon sommeil dans l'oeuf.

7h :p'tit dej. Idem au souper d'hier soir et a la bouffe de ce midi : riz au poulet et oeufs. J'engouffre avec ravissement avec le

sentiment de devorer l'un de ces cocoricant coqs matinaux.

Mesquine vengeance, certes...

8h, Kennet et sa mob bleue. 1/2 heure a ingurgiter de la poussiere en traversant une partie du camp (batit sur des collines coupees de gorges

profondes) Ca grimpe dur, je dois descendre de la mob et continuer a pieds jusqu'au sommet.

L'emplacement du spectacle. Comme hier, noir de monde. Plus de 1000. Mais Kennet a convie 2 membres de la securite.

Des lors un chouia de discipline.

Des mon 2eme numero les mecs de la securite me conciderent l'air abasourdi. Les gosses en profitent pour se ruer dans mes pieds et dans mon dos. Une heure Clowns et Magicien sans Frontiere au camp de Mae La Oon.

13h. Le petit show que j'ai donne pour le comite hier des mon arrivee a tant plu qu'ils me demandent de remettre ca pour les enfants malades et handicapes qui ne peuvent assister au spectacles.

On y va. Une centaine dans une grande case en bambous. Et autant de parents. Et plein d'autres gosses tasses devant

portes, fenetres et bambous ajoures. En tout je dirais...Beaucoup.

Je vais des uns aux autres en essayant de ne pietiner personne, certains sont deja si mal en point (pas mal d'estropiers, la frontiere

cote birman est tapissee de mines). Mais pour le coup, malades et estropiers, ca se marre, ca se marre.

Je termine juste a temps pour me rendre au 3eme spectacle de la journee.

Rebelotte : 800, 1000, 1500 ? La securite s'avere plus efficace. Ca commence a prendre forme. Une heure encore en compagnie de ma tribu Karen. J'ai appris quelques mots. On communique. Ils en pleurent de rire.



En depit des conditions hallucinantes dans lesquelles je joue, qu'est-ce qui fonctionne si bien ? Et pourquoi ?

Lors des precedentes tournes, Inde, Nepal, Birmanie 2009 et depuis le debut de cette tournee en Birmanie puis dans

les camps Karennis, puis ici chez les Karens...Chaque fois, partout en fait, ce qu'on sent de facon presque tactile c'est cette enorme envie. Emanant de chaque spectateur. Comme un besoin imperieux d'etre la. De tout voir. Lors de chaque spectacle.

Tout Clowns et Magicien sans Frontiere tient dans cete avidite.

Ils sont friands, nous sommes la friandise.

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